«L’agressivité fait partie de la condition humaine. Elle joue un grand rôle dans le développement de l’enfant. Un rôle aussi grand que l’amour. La violence intérieure donne l’énergie et la motivation nécessaires au dépassement de soi. Elle favorise la réussite tant qu’elle reste dans des limites contrôlées par l’enfant. L’éducation ne consiste donc pas à l’annihiler mais à la canaliser, pour mobiliser l’énergie au service d’objectifs positifs pour soi-même et pour les autres». Edwige Antier.
Il est très fréquent d’observer des comportements, gestes agressifs chez les jeunes enfants (frapper, mordre, griffer, hurler…) et cela génère bien souvent de l’incompréhension, de la culpabilité et parfois une forme d’impuissance de la part de parents qui se sentent bouleversés.
Il est important de comprendre qu’un enfant qui pose des actes agressifs n’est pas pour autant un enfant agressif, méchant ou violent. Il ne fait pas réellement de lien entre son acte et la souffrance de l’autre, il n’y a pas d’intention de faire mal.
Il est capital de ne pas faire de confusion entre le comportement de l’enfant et l’enfant lui-même. L’enfant ne peut être défini et réduit à son comportement. (ex : « c’est un enfant mordeur », « tu es méchant »…) Son comportement ne reflète pas ce qu’il est mais représente une modalité d’expression, de décharge de ses émotions, sentiments, frustrations, peurs, difficultés… qu’il ne parvient pas encore à libérer autrement.
Plusieurs raisons à cela :
- Une immaturité neurologique.
- Des habiletés langagières émergentes.
- De la maladresse sociale.
- Une grande impulsivité*.
- Une capacité naissante à intégrer les interdits.
- Un fort besoin d’opposition. (voir mon article sur la phase du « NON »)
Un exemple concret :
Votre enfant de 2 ans et demi a un comportement agressif depuis l’arrivée de son petit frère. Il frappe, pousse et essaie de s’en prendre également au bébé, et cela vous inquiète :
1ère question à se poser : quelles sont les raisons sous-jacentes à ce comportement ?
L’arrivée d’un petit frère ou sœur est souvent source d’un gros bouleversement émotionnel. Il est difficile de partager sa maman et son papa, surtout lorsqu’on était habitué à être leur seul centre d’attention auparavant. L’enfant est tiraillé entre l’envie de grandir et celle de régresser pour redevenir lui aussi un bébé. Il est inquiet parce qu’il craint que ce petit frère prenne tout l’amour de ses parents. Il peut alors ressentir de la jalousie, de la colère, de la tristesse… Un tourbillon d’émotions très compliquées à gérer.
Que faire :
- Fixer le cadre et rappeler les règles : mettre votre enfant à l’écart et lui expliquer, en s’agenouillant à sa hauteur et en le regardant dans les yeux quels sont les règles, les interdits : « on ne frappe pas, ce n’est pas acceptable, c’est interdit »
- Faire preuve d’empathie, valider ses sentiments : accepter et reconnaître ses sentiments de colère, de frustration, de jalousie et y poser des mots. Lui expliquer que vous comprenez sa colère, qu’il a parfaitement le droit d’être triste, en colère, de pleurer. Le rassurer sur vos sentiments : le serrez fort dans vos bras et lui dire que vous êtes là pour lui et que vous l’aimez toujours aussi fort.
- Lui permettre de décharger ses sentiments au travers du jeu : passer du temps seul(e) avec lui pour jouer. Laissez lui le choix de l’activité. Le jeu est un formidable outil pour mieux communiquer avec ses enfants, pour les aider à prendre confiance en eux, à dépasser leurs blocages affectifs, à gérer leurs émotions, à resserrer le lien avec eux…* « Jouer pour nourrir le réservoir d’attachement de l’enfant, jouer pour l’aider à construire sa confiance en sa personne propre, jouer pour lui donner de la liberté, jouer pour l’écouter, jouer pour l’aider à dépasser les moments difficiles de sa vie, jouer pour partager du plaisir et du bonheur » I. Filliozat.
- L’aider à trouver des stratégies pour exprimer sa colère autrement, pour la déplacer: au travers de jeux de rôle, d’histoires, de dessins, de marionnettes, avec de la pâte à modeler, en lançant des balles en mousses…
De façon plus générale, l’attitude à adopter reste la même: lorsque l’enfant pose un acte agressif, il est toujours nécessaire de chercher à comprendre ce qui déclenche ce type de comportement (frustration, colère, peur, jalousie…). Ensuite, sur le modèle des différentes étapes précitées, il va s’agir de redéfinir le cadre et l’interdit de l’acte. Puis, de valider ses sentiments en y posant des mots. («Tu as ressenti de la colère parce que le petit garçon t’as pris la voiture » « tu as le droit d’avoir de la colère, mais tu ne peux pas l’exprimer de cette façon. Il est interdit de mordre, cela fait très mal »). Ensuite, rediriger sa colère vers un autre objet pour qu’il puisse évacuer son trop plein d’émotion et essayer de lui enseigner des compétences sociales telles que l’écoute et l’empathie.
A propos des morsures**, j’entends assez fréquemment des parents conseiller de mordre l’enfant en retour pour lui montrer la douleur que cela provoque. C’est une pratique à proscrire absolument : il faut toujours garder en tête que le modèle de l’enfant, c’est VOUS. D’autre part, il se pose ici une question de cohérence pour l’enfant : on ne peut pas expliquer à un enfant qu’il est interdit de taper, mordre, pincer, pousser et adopter ce type de comportement à son égard!
En grandissant, les enfants vont progressivement apprendre à maitriser leur agressivité physique et trouver d’autres façons d’interagir avec les autres. Les comportements agressifs vont commencer à décroitre vers les 3 ans de l’enfant.
* Impulsivité: en dessous de 4 ans les enfants n’ont pas encore la capacité d’inhiber leurs gestes. Les zones contrôlant les impulsions et celles contrôlant les inhibitions ne sont pas encore bien connectées dans leur cerveau en formation.
**Morsures: elles peuvent parfois être la manifestation d’un amour puissant que l’enfant n’arrive pas à contrôler et qui équivaut pour lui à un gros baiser.
Pour aller plus loin :
Je vous invite à lire mon article intitulé: « Comprendre et accompagner les émotions de l’enfant » ICI
- I. Filliozat, J’ai tout essayé ! Ed. Poche Marabout (voir article de présentation ICI)
- I. Filliozat, Au coeur des émotions de l’enfant, Poche Marabout
- C. Gueguen, Pour une enfance heureuse. R. Laffont
- E. Antier, L’agréssivité. Ed. Bayard
- L. Cohen, « Qui veut jouer avec moi ? » Ed. JC Lattès (Voir mon article sur le sujet ICI ).
Sur les conflits dans la fratrie: E. Crary, « Arrêtes d’embêter ton frère ! Et toi, laisse ta sœur tranquille ! » Ed. JC Lattès.
7 Comments
Merci pour cet article très intéressant, j’espère te retrouver jeudi pour mon rdv « les jeudis éducation » 😉
Bonjour
Article très intéressant
Cependant comment faire avec un enfant de + de 3 ans qui frappe et pousse sans cesse ses frères et soeurs cadets ? Alors que toutes les propositions citées dans cet article ont été mises en pratique maintes et maintes fois sans succès ? Sans jamais lui dire qu’il est méchant ni coupable, il nuit aux autres, c’est un fait, et eux à leur tour deviennent peureux et agressifs.. Comment les.protéger de sa nuisance car cela.nuit clairement au développement des petits en dessous de lui. et si pour lui c’est un.jeu comme une obsession de frapper on fait quoi ?? En sachant que l’enfant n’est atteint d’aucun trouble. Je pense que la punition par l’isolement est nécessaire..
ma fille a 18 mois et n’arrête pas de frapper et mordre d’autre enfant
J’ai un peu honte parce que jusqu’à il y a quelques mois j’étais bienveillante .. ça a changé après de long mois de fatigue. Sauf que maintenant (et n’ayant moi même pas eu une éducation bienveillante) c’est dur de rattraper le coup. J’ai ma grande de 32 mois et ma petite de 16 mois. Elles se tapent tous le temps ( et se font autant en calins c’est vrai !!) . Mais vous lire me motive et me redonne envie merciii
Ma fille de 2 ans me tape pour le plaisir, en souriant. Je lui dis non, on ne fais pas bobo, elle sourit et tape davantage. Ma désapprobation l’encourage à me taper et me pincer de plus belle. Je ne sais pas quoi faire.
Bonjour Nini,
Votre fille ne vous tape pas « pour le plaisir ». Elle le fait pour différentes raisons qui peuvent varier en fonction du contexte: il peut s’agir d’une forme de sollicitation (pour attirer votre attention, jouer), ce peut-être une façon d’expérimenter (son corps, sa force) et observer les effets que peuvent produire son action (par votre réaction), elle peut chercher à comprendre et tester le cadre, ou tout simplement, elle peut aussi se trouver quelque fois submergée par ses émotions et va décharger de cette façon là…
Quoiqu’il en soit, il n’y a aucune volonté de vous faire mal!
Il est important d’exprimer votre désaccord et d’expliquer la raison pour laquelle on ne frappe/pince pas, mais ensuite, il est nécessaire de lui offrir une alternative. Elle ne peut pas frapper ou pincer maman, mais elle peut lancer fort des balles en mousse, écraser de la pâte à modeler, taper sur un coussin, souffler fort sur une plume…
Vous trouverez ici des explications et outils susceptibles de vous aider: http://babybaboo.com/education/comprendre-et-accompagner-les-emotions-de-lenfant/
Bien à vous,
Delphine.
Bonjour,
j’ai lu l’article et les commentaires avec beaucoup d’attention. Je me retrouve (et retrouve ma fille de 28 mois) dans chaque ligne presque…San préciser que j’ai tenté de mettre en application TOUS les conseils prodigués.
Malheureusement, j’ai fini par la mordre pour lui montrer que cela fait mal (mauvaise réaction de ma part).
J’ai fini par lui donner des tapes sur les mains pour lui faire « comprendre » que ce n’est pas bien de taper ou de mordre ou de griffer ou tout simplement pour qu’elle cesse.
J’ai tout essayé (ou presque) d’où mon post: la punir dans sa chambre malgré son très jeune âge… la punir dans son lit (c’est la seule chose qui fonctionne pour le moment), la priver de sa sucette…
Son papa est plus ferme que moi, je trouve qu’il l’est un peu trop car elle pleure et prend peur immédiatement.
Bien évidemment, nous lui parlons, lui expliquons la situation, nous la rassurons, jouons avec elle…
Malheureusement, à la crèche c’est pareil. Elle tape, mord, griffe les copains et cela devient problématique au point où j’ai rdv avec la Directrice prochainement.
Je me culpabilise en tant que maman car j’ai peur d’avoir failli quelque part …
merci par avance pour votre précieuse réponse.
Reb